VIE ETROITE

Complexité du simple, dans cette série de photos. A la fois quelque chose me rejoint, me touche, et en même temps, quelque chose reste, résiste immobile, terriblement neutre, réel. Esthétique de l’intensité du banal. Aucun humain dans cette suite, et pourtant tout est modelé par l’homme, y compris les paysages. A chaque fois, l’homme clôt, délimite : murs,  routes, haies…
Vie étroite, même sous le soleil. S’il y a de la beauté possible, elle n’est pas tant dans ce qui est donné à voir que dans l’œil qui cadre, choisit telle ou telle composition. Or celle-ci, me semble-t-il, va toujours dans le sens de l’équilibre, d’une forme de stabilité. Absence de mouvement, également.
Vie étroite mais sans danger, sans tension, impasse tranquille. Photos d’un bonheur possible à condition de le mesurer, de réduire le rêve au peu qui est, matériellement. Absence de concession dans cette attention au réel, saisi dans sa présence vivante, et aimée. Arrêt sur ce qui est, au moment où les choses, l’espace, la lumière vibrent juste, comme une corde. C’est l’exactitude des photos de Claude Pauquet qui les rend efficaces ; elles travaillent une sorte de déjà-vu-mais –pas-comme-ça. Et  par ce décalage forcé de l’œil, on recommence à voir.

Antoine Emaz
Ecrivain, critique
Angers, 2004
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